Les ordures à Buterere: une bombe à retardement

 René Dieudonné Kamaro et Consolée Mwemeli

A Buterere, les plus pauvres survivent grâce aux ordures. Celles-ci sont chaque jour amenées par les SETEMU et les associations privées. Même dans la commune, cette gestion est loin de faire de l’unanimité.

« Ce dépotoir est tout pour nous », a déclaré Pétronie (*), une femme de Buterere en plein ramassage. « C’est dans ce dépotoir qu’on trouve des objets à vendre pour avoir la ration quotidienne ». Il s’agit notamment des bouteilles d’eau, des habits, du charbon et d’autres objets en provenance de la mairie. Les montants issus de la vente des déchets ramassés dans le dépotoir, nous permettent également de payer le minerval pour nos enfants, à manger pour la famille,  d’acheter des vêtements, de se faire soigner, etc.

« Ce dépotoir présente un danger évident pour la population qui respire l’air polluée et consomme des saletés déposées à cet endroit », estime Pauline Ruratotoye, administrateur de la commune de Buterere,. Elle n’apprécie pas non plus que sa commune reste la destination de tous les déchets de Bujumbura. « Des négociations avec les autorités de la mairie et des services techniques municipaux (SETEMU) sont déjà enclenchées. Elles visent le déménagement éventuel du dépotoir ou le recyclage des ordures », explique Pauline Ruratotoye.

« Le dépotoir a été créé à Buterere car auparavant, cette commune n’était pas habitée au même niveau que les autres communes urbaines », poursuit-elle. « Ma commune ne profite pas des taxes perçues auprès des associations privées qui déversent les ordures à Buterere. Elle doit donc être considérée comme les douze autres communes de la mairie », conclut-elle.

Depotoir de Buterere

Depotoir de Buterere

Source de vie ou danger pour la santé?

Le dépotoir de Buterere constitue un conflit latent entre la population de cette commune. « Le déménagement du dépotoir n’aura aucun impact sur mon commerce », explique un jeune vendeur d’œufs et d’arachides, car, je pourrai vendre ailleurs. J’aimerais plutôt qu’il y ait la gestion de ces ordures pour le bien-être de la population.

Néanmoins, selon Pétronie (*) et la plupart des personnes vivant des objets ramassés au dépotoir, cet endroit est une source de vie. « Nous ne fréquentons pas le dépotoir par amour, seulement, nous n’avons pas d’autres alternatives. Celui qui nous proposerait d’autres activités génératrices sera le bienvenu », ont-elles déclaré.

Jean Marie Vianney

Jean-Marie Vianney

« L’idéal serait que l’Etat burundais investisse dans le recyclage des ordures afin qu’elles soient utilisées d’une façon ou d’une autre par la population », pense Jean-Marie Vianney Nkurunziza de Clean Group. Cette association privée intervient dans le ramassage des ordures en mairie de Bujumbura.

« Si nous avions des moyens suffisants et des formations dans ce domaine, on aurait déjà aussi prêté une main forte aux SETEMU dans le traitement de ces ordures », mentionne-t-il.

Nécessité d’aménager le dépotoir

Chercheuse« A Buterere, on a à faire à une décharge sauvage », estime une chercheuse de l’université du Burundi qui saisissait dans les environs du dépotoir des données relatives à la quantité et aux caractéristiques des déchets déversés. « Les déchets biodégradables et non biodégradables provenant des ménages, des industries, des structures sanitaires et commerciales sont mélangés. Ce mélange constitue une source de maladies en tout genre pour les plus pauvres de Buterere. Ces derniers respirent la mauvaise odeur des ordures et se nourrissent des objets ramassés dans le dépotoir », a indiqué la jeune dame qui portait une cache-poussière.

Saïdi Juma

Saïdi Juma

« Le taux de démographie de la population urbaine n’augmente pas dans les mêmes proportions que les moyens matériels et financiers de mes services », signale Saïdi Juma, directeur technique des SETEMU. En 1993, précise-t-il, la population de Bujumbura était estimée autour de 200000 et le recensement de 2008 indique qu’elle a augmenté jusqu’à 600000 personnes. Les services techniques municipaux ne sont plus dynamiques dans la gestion des ordures, reconnaît-elle.

« L’association IUD** procède déjà au triage des ordures à la source et garde dans ses deux dépôts, ceux qui sont recyclables », révèle Pierre-Claver Nizigiyimana, président de cette association. Cette dernière envisage le recyclage de ces déchets au moment opportun. « Tôt ou tard,  des ménages seront érigés à Buterere et personne ne trouvera plus l’endroit où mettre les immondices. La gestion responsable de ces ordures est donc plus qu’une nécessité », considère de son côté le directeur technique des SETEMU.

(*) nom changé par la rédaction

(**) Ishirahamwe Urunani Dutezanyimbere

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4 commentaires pour Les ordures à Buterere: une bombe à retardement

  1. Maud from Berlin dit :

    Merci – c’est un article pertinent qui traite d’un problème global et qui pose autant de défis en Afrique qu’en Asie ou en Europe. Nous sommes donc tous concernés.
    Il est intéressant de constater que des associations privées complètent, voire se substituent au service public.

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  3. Barbara dit :

    Merci pour cet article très intéressant, bien écrit et pertinent. Les photos – surtout la grande photo du dépotoire marque bien le conflict entre « source de vie et danger pour la santé ».

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